16 novembre 2024
Le ghetto scolaire
Pour en finir avec le séparatisme de François Dubet et Najet Vallaud-Belkacem
Mixité
Livre
Inégalités scolaires et territoires
Dans cet ouvrage, les auteurs posent le constat d’un système scolaire de plus en plus inégalitaire dans lequel le travail et le mérite ne jouent plus qu’à la marge et où la mixité scolaire est de moins en moins une réalité concrète pour les élèves et leurs familles. Rentrée scolaire 2021: 10% des collèges concentrent 60% d’enfants d’ouvriers ou d’inactifs. Côté Indice de Position Sociale (IPS), 10% des collèges les plus défavorisés ont un IPS inférieur à 81 contre 124 pour les 10% les plus favorisés.
Dans les années 1950 et avant, le système éducatif français, très sélectif, acceptait largement les inégalités sociales. Conçu pour former une élite, il offrait peu d'accès à des études supérieures aux enfants de milieux modestes. Beaucoup quittaient l'école à 12 ans, le certificat d'études marquant la fin de leur scolarité et le début de leur vie active. Tout change à partir des années 60 avec l’objectif de massification assigné à l’éducation nationale et le diplôme qui devient prédominant pour l’insertion professionnelle. Dès lors, la carte scolaire devient un enjeu majeur pour les familles, entraînant des stratégies d’évitement de plus en plus fréquentes et la formation de ce que les auteurs appellent « le ghetto scolaire ».
Des expérimentations prometteuses
Les auteurs reviennent ensuite sur des initiatives locales menées à partir de 2015 pour rétablir la mixité scolaire. Ces expérimentations, lancées dans 82 territoires, incluent des approches variées :
· Fusions de collèges
· Fermeture d’établissements
· Modification de la carte scolaire
· Renforcement de l’offre de formation.
· Projet de rénovation urbaine
Pas de solution nationale posée, mais des solutions locales, établies à partir de constats terrain et de concertations. Cette approche permet d’adresser les vrais points, établir la confiance, obtenir une adhésion entre toutes les parties prenantes (politiques, éducation nationale, familles, enseignants, élèves) pour une mise en œuvre adaptée et efficace.
Mesures de l’impact sur les 56 collèges étudiés :
· Le taux d’exposition des élèves défavorisés aux élèves favorisés est passé de 31% à 34%.
· Le taux d’évitement est resté stable à 15%.
· Pas de baisse de niveau des meilleurs élèves et amélioration du niveau des moins bons.
· Bien être des élèves accrus : meilleure perception du climat scolaire, de l’équipe pédagogique, de la sécurité, du rapport au travail en groupes.
· Les élèves favorisés adhérent plus aux valeurs de solidarité.
· La fréquentation d'amis issus d'autres milieux sociaux augmente significativement, un facteur clé pour renforcer la confiance en soi. Cette ouverture influence positivement les choix d'orientation et contribue à réduire l’autocensure dans un système où un enfant d’ouvrier a encore 10 fois moins de chances d’obtenir un bac+5 qu’un enfant de cadre.
Citations choisies
“Il n’est pas possible d’apprendre à vivre ensemble, à travailler ensemble, à se parler, se comprendre, faire nation, sans avoir au préalable été scolarisés ensemble ».
“À l’heure des réseaux sociaux, des bulles cognitives, des effets de mimétisme, le besoin de mixité n’a jamais été autant d’actualité.”
“Surtout portons ce débat et assumons le; clamons que toute une partie de notre jeunesse ne peut plus être tenue à l’écart de la réussite. Rappelons inlassablement que la République, ce n’est pas d’où l’on vient individuellement, mais où l’on va collectivement”.
Pour la Fondation Altitudes
Pour la fondation Altitudes, cet ouvrage est intéressant à plus d’un titre.
Il pose d’abord un constat clair sur une mixité scolaire en berne qui aggrave les inégalités éducatives. Pourtant, la mixité renforce la confiance des élèves dans leurs capacités, notamment celle d’influer sur leur destin grâce à leurs efforts. Elle élargit les horizons, les relations sociales, et donc améliore la mobilité sociale à terme.
Il pose d’abord un constat clair sur une mixité scolaire en berne qui aggrave les inégalités éducatives. Pourtant, la mixité renforce la confiance des élèves dans leurs capacités, notamment celle d’influer sur leur destin grâce à leurs efforts. Elle élargit les horizons, les relations sociales, et donc améliore la mobilité sociale à terme.
Mais cet ouvrage va au-delà du diagnostic : il ouvre des perspectives concrètes. En acceptant de partir des réalités locales, de lever les freins spécifiques à chaque territoire et de co-construire des solutions adaptées, il est possible de redresser une situation qui semble figée. Cette approche pragmatique, centrée sur le terrain, résonne pleinement avec nos convictions. François Dubet démontre qu’avec de la volonté, de la persévérance, une écoute attentive, et une concertation approfondie, nous pouvons agir et redresser une situation qui paraît bloquée.
Le point du temps long et de la persévérance est crucial : les impacts ne peuvent être immédiats. Il faut accepter une vision à long terme pour permettre aux transformations de s’installer durablement. Pour la Fondation, c’est une invitation à soutenir les associations dans des projets inscrits dans le temps, en partant toujours des besoins exprimés par le terrain et par les “utilisateurs”. Cela montre que des solutions à échelle humaine existent pour rétablir davantage de mixité et d’égalité des chances, tout en nourrissant les politiques publiques pour un impact systémique.
*L'IPS (Indice de Position Sociale) est un indicateur utilisé par le ministère de l'Éducation nationale en France pour évaluer la position socio-économique moyenne des élèves d’un établissement scolaire ou d’une classe. Il permet de mesurer le niveau de mixité sociale dans les écoles et collèges. L’IPS est calculé à partir de plusieurs critères, principalement : la profession et la catégorie socio-professionnelle des parents, le niveau de diplôme des parents, la situation économique de la famille.
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