10 novembre 2024

Réflexions sur l'Education par Olivier Camino

Après plus d’un an de rencontres, de lectures, et de réflexions approfondies, nous avons décidé de concrétiser un projet qui nous tient à cœur : la création de notre fondation. Ce moment marque une étape importante dans notre engagement en faveur de l’éducation et de l’égalité des chances. Dans cet esprit, il nous semble important de partager les constats qui nous interpellent et quelques-unes de nos convictions. Ces idées, loin d’être figées, sont une base de réflexion, ouverte au dialogue et à la remise en question. Nous les portons avec humilité, en étant pleinement conscients de la maturité que nous avons encore à développer et de la complexité du sujet. Ces convictions ne sont pas seulement un guide pour nos actions. Elles sont aussi une invitation pour nos partenaires, actuels et futurs, à mieux nous comprendre, à appréhender notre positionnement et à saisir nos ambitions. Ensemble, nous souhaitons bâtir des collaborations solides et impactantes, en restant fidèles à notre vision d’un monde où l’éducation devient une véritable force d’émancipation et de transformation sociale.

Transformation
Enseignant
Mixité

Un système à la croisée des chemins


La France peut être fière de la qualité de sa formation supérieure. Nous sommes reconnus à l’international pour notre capacité d’analyse, notre esprit critique, notre créativité et notre aptitude à synthétiser des idées complexes. Les entreprises du monde entier, et en particulier les entreprises américaines, recrutent avec grand intérêt nos talents. L’Education Nationale a par ailleurs réussi l’objectif de massification qui lui a été assigné à partir des années 1960, en accompagnant avec succès notre jeunesse jusqu’au baccalauréat.

Oui, mais notre système s’est essoufflé, faute de se réinventer et se transformer à temps pour répondre aux nouveaux enjeux d’une société post industrielle qui voit les emplois postés diminuer pour des emplois plus serviciels. De nouveaux métiers émergent, porteurs d’exigences inédites en termes de compétences, auxquelles notre système ne s’est pas toujours adapté.

Au-delà des études internationales, comme PISA, qui montrent un déclin certain des performances académiques des élèves français, c’est surtout l’augmentation des inégalités face à la réussite scolaire qui frappe. La France est aujourd’hui le pays de l’OCDE où l’origine sociale, économique, culturelle et géographique influe le plus sur les résultats scolaires.

Cette réalité est saisissante : 600 000 jeunes âgés de 20 à 24 ans sont sans emploi ni formation, soit 19 % de cette tranche d’âge, contre 15 % en moyenne pour l’OCDE. Chaque année, 80 000 élèves quittent le système scolaire sans diplôme, et plus de la moitié de ces jeunes proviennent de milieux défavorisés. Les enfants d’ouvriers, quant à eux, sont quatre fois moins nombreux à obtenir leur brevet que ceux de cadres. Ces inégalités, loin d’être seulement des chiffres, menacent notre cohésion sociale.


Quelle mission pour l’Education Nationale ?


Face à ces défis, il est impératif de redéfinir la mission de l’Éducation Nationale. Former des citoyens éclairés, conscients des enjeux économiques, environnementaux, sociétaux, culturels et mondiaux est un objectif essentiel. Mais il doit être, à mon sens, complété par une ambition plus concrète : développer les compétences nécessaires à l’employabilité de notre jeunesse, aujourd’hui et demain. Il me semble en effet capital de poser le sujet des compétences et de le lier à l’éducation de nos enfants, de le décliner dans les programmes scolaires, dans le cadre d’une politique publique volontaire. Travailler, c’est s’intégrer dans un collectif, et plus largement à la société. C’est participer à la vie de notre pays ; c’est trouver sa place, et un sens. C’est être acteur de son destin et de celui des générations à venir. 

Dans un monde de plus en plus complexe, incertain et interconnecté, l’école de la république doit se transformer pour devenir un levier de réussite pour tous.
 Nul doute pour moi que l’école doit plus que jamais permettre à chacun de maîtriser les savoirs fondamentaux qui sont le socle de notre maison commune, le français, l’histoire et les mathématiques en particulier. Ces disciplines ne sont pas seulement des savoirs académiques ; elles sont les fondations d’une citoyenneté active, d’une pensée critique et d’une compréhension du monde. Maîtriser notre roman national, notre langue, nos œuvres, c’est pouvoir participer de la maison commune. Et qui plus est, la maîtrise de ces savoirs fondamentaux est nécessaire pour la pleine expression d’autres compétences indispensables, quand on les applique à un travail donné. Bien s’exprimer à l’oral et à l’écrit, c’est pouvoir dialoguer, écouter, synthétiser et articuler une pensée ; c’est ensuite un matériau brut indispensable pour éviter des jugements hâtifs, être plus critique face aux vérités d’un jour établies sur les réseaux sociaux, un outil de lecture clef pour comprendre notre monde global et complexe.
 
Mais il ne suffit pas de transmettre ces savoirs. L’école doit aussi développer des compétences transversales essentielles : apprendre à collaborer, à analyser, à créer, à dialoguer, et à prendre des initiatives. Ces qualités sont les clés pour relever les défis d’un monde bouleversé par les nouvelles technologies et l’émergence de métiers encore inconnus.
L’autorité de l’école, au sens noble du terme, doit également être restaurée. Une autorité porteuse de sens, qui inspire et motive. Mais pour cela, il faut investir dans nos enseignants : mieux les former, leur donner des outils modernes et créer un cadre propice à leur épanouissement professionnel.


Réenchanter l’école


Redonner du sens et du prestige au métier d’enseignant


Aujourd’hui, le métier d’enseignant, malgré le talent, l’énergie et l’abnégation de ses acteurs, a perdu de son prestige et de sa place centrale dans notre société. Cette perte s’accompagne d’un affaiblissement de l’autorité, pourtant essentielle pour inspirer et guider les élèves. Les difficultés du quotidien, le manque de moyens concrets dans les salles de classe, et l’isolement face à des classes de plus en plus hétérogènes ont souvent éteint la passion initiale de nombreux enseignants.

Nos écoles ne sont plus mixtes, minées par des stratégies d’évitement qui accentuent les inégalités. En parallèle, nos enseignants manquent de formations solides en pédagogie, d’outils pour suivre la progression de leurs élèves, et de temps dédié à leur propre développement professionnel. La culture du feedback, indispensable pour progresser, est quasiment absente.

Notre modèle d’enseignement reste marqué par des approches héritées de la révolution industrielle : transmission frontale des savoirs, normée et silotée, organisée heure par heure. Ce modèle ne répond plus aux défis actuels, où la collaboration et la transversalité sont essentielles.


Valoriser la diversité et révéler le potentiel de chaque élève


Il est temps de faire évoluer notre conception de l’éducation. Donnons plus de place aux arts, au sport et aux travaux manuels, dans une approche désilotée qui valorise autant les compétences techniques que les qualités humaines. L’éducation doit être le lieu où chaque enfant découvre et développe son potentiel unique.

Nous devons reconnaître que la réussite ne se décline pas en une seule voie. Dans un monde incertain et en perpétuelle évolution, le savoir-faire (chercher, comprendre, expliquer, exécuter, partager) est bien plus précieux que l’accumulation de connaissances figées.


Réintroduire la mixité pour enrichir l’apprentissage


La mixité sociale et scolaire est une richesse inestimable. Les expérimentations menées depuis 2015 montrent qu’elle fonctionne, pour peu qu’une pédagogie adaptée accompagne cette diversité. Comment préparer nos jeunes à vivre ensemble si, dès le départ, ils ne partagent pas les mêmes bancs d’école ? La mixité enseigne le respect, l’ouverture, et l’apprentissage mutuel. Elle constitue une condition essentielle pour construire une société solidaire et inclusive.


Adopter une stratégie numérique intelligente


Notre système éducatif souffre d’un retard significatif en matière de numérisation. Là où des outils numériques existent, leur mise en œuvre est souvent désorganisée, fragmentée par la multiplicité de plateformes d’apprentissage mal intégrées. Cela complique inutilement la tâche des enseignants et alourdit le parcours des élèves. De plus, le manque d’équipement numérique dans les établissements freine l’innovation pédagogique.

Il est urgent d’adopter une approche cohérente et réfléchie des nouvelles technologies. Les outils numériques et l’intelligence artificielle doivent être utilisés pour libérer du temps administratif, enrichir les pratiques éducatives et créer des communautés connectées entre enseignants, élèves et familles. Ces technologies ne doivent pas être subies mais maîtrisées, en formant les jeunes à les comprendre et à les utiliser de manière éclairée.

L’IA, en particulier, exige une problématisation rigoureuse : bien poser les questions pour obtenir des réponses pertinentes. En faisant un usage stratégique de ces outils, nous pouvons non seulement alléger la charge des enseignants, mais aussi préparer les élèves à évoluer dans un monde numérique de manière critique et responsable. 


Allier vision nationale, actions locales et constance


Pour relever les défis éducatifs auxquels nous faisons face, il est essentiel de s’appuyer sur une politique publique forte, ambitieuse et inscrite dans le long terme. Une politique qui affirme une nouvelle ambition pour l’Éducation Nationale tout en s’ancrant dans les réalités locales.

Cela nécessite avant tout le courage de poser un diagnostic sincère, sans tabou, et de partir du terrain pour construire des solutions adaptées. Les professionnels de l’éducation, tout comme les élèves, doivent être pleinement écoutés et impliqués. 
 La solution est à la fois globale et locale. Globale, parce que seule une politique publique peut définir une mission claire, un cadre structurant, des moyens adaptés, et un mécanisme d’évaluation rigoureux. Mais également locale, car chaque établissement scolaire, chaque région, présente des besoins spécifiques qui ne peuvent être appréhendés par de simples moyennes statistiques.

Sur le terrain, les solutions existent souvent déjà, portées par des initiatives inspirantes. Aller à la rencontre des acteurs locaux permet de constater que les réponses aux problèmes sont souvent là, mais qu’elles nécessitent un cadre global pour passer du stade d’expérimentation à une mise en œuvre systémique.


Passer de l’expérimentation à une vision globale


La France a fait de l’expérimentation une constante. Bien que cela puisse témoigner d’une volonté d’innovation, cela révèle aussi une difficulté à affirmer une politique éducative globale, cohérente et articulée. Multiplier les petits projets discrets, c’est éviter de faire des choix forts et de prendre une orientation claire et transparente.

Pourtant, d’autres pays ont relevé des défis similaires et trouvé des solutions. L’Ontario au Canada, la Finlande, la Chine, Singapour, et le Japon, par exemple, ont su identifier leurs faiblesses, établir des constats partagés et localisés, et bâtir des politiques publiques claires. Ces initiatives, portées par une vision nationale forte, ont été mises en œuvre sur le long terme, souvent sur une décennie, avec constance et rigueur dans le suivi et l’évaluation.

Pourquoi la France ne pourrait-elle pas suivre ce chemin ? Il n’y a aucune fatalité à nos difficultés. Dire que ces réussites sont uniquement liées à des spécificités culturelles est une manière de se dérober à l’action. Ces pays ont réussi parce qu’ils ont su conjuguer diagnostic local, engagement collectif et vision nationale.


S’appuyer sur le monde associatif pour transformer l’éducation


L’Éducation Nationale bénéficie déjà du soutien actif et bienveillant de nombreuses associations, et parfois d’entreprises. Il ne devrait plus y avoir de séparation rigide entre le monde de l’éducation et le monde professionnel. La réussite éducative passe aussi par une orientation claire vers le plein emploi de notre jeunesse, en lien avec les compétences et les besoins de demain.

Face à des inégalités qui ne cessent de se creuser, nous devons miser sur le potentiel du monde associatif. Non pas en parallèle de l’école, mais dans l’école, en collaboration étroite avec elle. Les associations jouent un rôle crucial pour accompagner les jeunes en voie de décrochage et travailler en amont, dès la maternelle, car le décrochage s’enracine souvent dès les premières années scolaires.

Les associations ont la capacité de créer les chocs de confiance dont certains jeunes ont désespérément besoin : leur permettre de découvrir leur « Élément », ce talent ou potentiel caché qui sommeille en eux. Cela passe par la reprise de confiance en soi, mais aussi par le rétablissement d’une relation de confiance avec leurs parents et leurs enseignants. Ces actions ciblées peuvent mettre fin à l’autocensure qui freine tant de parcours prometteurs.

Pour jouer ce rôle pleinement, les associations doivent offrir un accompagnement différent, complémentaire de celui de l’école. Elles doivent agir comme des guides : montrer la voie, éveiller les consciences, encourager, mais aussi bousculer, avec des attentes claires et un haut niveau d’exigence.

Cependant, le milieu associatif doit lui aussi poursuivre sa transformation. Pour avoir un impact systémique, il faut dépasser le stade de l’expérimentation, développer une logique d’efficience et de résultats, et apprendre à passer à l’échelle. Cela implique d’adopter une culture des partenariats et des fusions, afin de mutualiser les forces, éviter de réinventer la roue, et viser un impact collectif plus large. Un exemple concret serait de fédérer les énergies pour créer des applications de tutorat et de mentoring de pointe, qui deviendraient de véritables leviers d’apprentissage collaboratif et d’échanges entre élèves, enseignants et professionnels. 

Pour que les associations puissent sortir du mode d’expérimentation et gagner en visibilité, elles ont besoin de financements pérennes et d’un soutien structurel. Il ne s’agit pas seulement de financer les bénéficiaires directs, mais bien d’investir dans les changements structurels qui permettront de multiplier l’impact. C’est en renforçant les fondations que l’on pourra toucher plus de jeunes et agir massivement sur l’égalité des chances.

Cette vision repose sur un équilibre entre passion pour l’impact social et rigueur entrepreneuriale. En associant solidarité, frugalité et efficience, nous pouvons maximiser les résultats pour nos jeunes. C’est toute l’ambition de la Fondation Altitudes.


La mission de la Fondation Altitudes


La Fondation Altitudes s’engage à permettre aux associations de changer d’échelle pour agir efficacement sur l’égalité des chances dans l’éducation. Nous apportons :

  • Une expertise en leadership, en gestion des ressources humaines et en technologies.
  • Un regard entrepreneurial, ancré dans des objectifs clairs et mesurables.
  • Un investissement financier à long terme, dédié aux changements structurels et non simplement aux bénéficiaires individuels.

Notre rôle est d’être un partenaire humble mais exigeant, aux côtés d’associations et d’entrepreneurs sociaux inspirants. Un partenaire de cordée, progressant ensemble vers un objectif commun : transformer durablement l’éducation pour offrir à chaque jeune une chance réelle de réussite.
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